Un pas et un pas

Un jour je t’ai vu, au coin de la rue

T’étais bien foutu, tu m’as de suite plu

Le lendemain encore, en bas au vieux port

Je voyais ton corps, te désirer fort

J’te rêvais souvent, comme mon bel amant

M’aimant follement pour la nuit des temps.

Hélas pour moi, c’n’étaient pas mes doigts

Dans tes draps de soie qui t’laissaient dans voix

C’étaient ceux d’une femme, d’une belle dame,

Pleine de ses charmes et de bonne fame.

Ne pouvant lutter contre cette poupée

J’t’avais oublié, sorti d’mes pensées.

Un pas et un pas, j’avance sans toi

Ta main dans sa main, vous deux sur l’chemin

Des années plus tard, en servant au bar,

J’t revis motard gobant le coaltar

Tu partais en quête de nouvelles conquêtes

De jeunes midinettes en petites liquettes

Ne faisant pas l’poids, ne les formes ma foi

J’ai suivi ma voie, fidèle à mes choix

Toi tu m’as parlé du vieux temps passé

Car tu t’rappelais de notre amitié

Moi j’ai ri un peu, du blanc d’tes cheveux

Tu te faisais vieux, on s’est dit adieu

Chacun repartit dans sa propre vie

Traversant l’pays ou restant ici

Un pas et un pas, j’continue sans toi

Une main et une main, seule dans l’lointain

Et puis l’autre jour, pas très loin des tours,

A l’entrée du bourg, t’étais de retour

Après plus d’vingt ans, tu étais tout blanc

Mais toujours charmant et bizarrement

T’es venu me voir pour qu’on aille boire

Un p’tit coup le soir au bal de la foire

Alors j’ai dit oui, j’étais moins jolie

Mais j’avais envie d’un petit peu d’folie

On a bien parlé, on s’est amusé

On s’est embrassés et même enlacés

T’es resté en ville peignant de belles huiles

Vivant notre idylle, j’n’étais plus nubile.

Un pas et un pas, je suis avec toi

Ta main dans ma main, réunis enfin

Le temps a filé, à peine une année

Tout comme ta santé s’est détériorée

C’est à l’hôpital qu’on nomma le mal

Comme c’est banal, qui t’sera fatal

T’es parti à rire, je n’savais quoi dire

Tu allais mourir, pas moyen d’guérir

Je t’ai enterré, un p’tit peu pleuré

Je t’avais aimé et puis oublié

Espéré un temps, rejoint un moment

Et en un instant tout était béant.

Était-ce mon destin de t’attendre en vain

De t’avoir enfin pour un temps si feint ?

Un pas et un pas, mais tu n’es plus là

Ma main et ta main, c’est déjà la fin !



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